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E-REPUTATION = PANORAMA DE JURISPRUDENCE

E-REPUTATION = PANORAMA DE JURISPRUDENCE

I/ E-Réputation = Commerciale

 

Plusieurs jurisprudences sont venues ponctuer l'actualité du droit de la protection de la E-Réputation.

A travers l'étude de ces jurisprudences, se dessine un nouveau droit de la protection de la vie privée ou de l'image, au sens large, sur Internet.

Au demeurant, le droit prétorien est toujours marqué par les conflits juridiques entre la liberté d'expression et la responsabilité présumée des acteurs de l'Internet.

L'adaptabilité des procédures classiques du droit de la presse à la E-réputation commerciale.

Trois jurisprudences récentes permettent de faire le point sur le droit positif :

1) TGI, Nanterre, 3 mars 2016, 1ère Chambre Civile, demandeur M.C. c/ M.B de la société Exaam :

Une décision classique de la jurisprudence d'un droit de la presse issue de la loi de 1881 appliquée à Internet.

Ainsi dans cette affaire, un motard ayant été débouté de ses demandes en justice à l'encontre d'un expert automobile pour un sinistre mécanique, a crée plusieurs sites Internet comportant les noms et prénoms de l'expert, et présentent cet expert sous un jour particulièrement défavorable.

Le motard, bien qu'il ait été condamné dans un premier temps à supprimer les noms de domaine litigieux par référé, a réitéré ses actions en créant un nouveau site « mauvaiseexpertise.com ».

 

L'expert mis en cause ayant diligenté une action devant le tribunal en diffamation, le TGI de Nanterre a de manière classique appliqué les dispositions de la loi de 1881en annulant l’assignation faute d’avoir respecté la (a) qualification des faits incriminés au titre de l'article 53 de la loi de 1881, (b) sur l'élection de domicile et (c) sur la notification de citation au parquet de la loi de 1881, faisant ainsi accumulation des éléments du carcan de la procédure.

Cet exemple est typique de l'inadaptabilité de la loi de 1881.

Cette loi, novatrice en 1881, est dépouillée de sa raison d'être dès lors qu'on l'applique sur Internet.

L'absence de condamnation de propos sur Internet est un révélateur du peu d'efficacité de la loi.

 

2) TGI, Paris, 17ème Chambre, 23 Septembre 2015, ordonnance de référé,  SARL Mymaison c/ Association Lesarnaques.com :

Le site lesarnaques.com revendiquait la fermeture de plus de 20 sociétés de E-Commercesur Internet.

Ce site qui s'enorgueillissait de victoires faciles devant les tribunaux, a effectivement vu la 17 ème chambre du TGI de Paris en référé, refuser de qualifier de dénigrement les propos tenus sur Internet pour y appliquer la sanction procédurale de la loi de 1881, en date du...

Le juge avait considéré que les propos tenus par les internautes et les administrateurs n'étaient pas dénigrants mais étaient des propos diffamatoires ne relevait pas du dénigrement mais de la diffamation.

La procédure était sur le dénigrement et non  la  diffamation, l'assignation a été jugée irrecevable pour ne pas avoir, selon la même antienne respecté les principes procéduraux cités précédemment à savoir élection de domicile, citation à parquet, identification des propos incriminés.

Cette affaire est toutefois emblématique puisque le site lesArnaques.com qui vient de fermer pour des raisons de dissensions internes à été condamné par la Cour d'Appel de Lyon sur renvoi après cassation (1ère Chambre Civile, 10 Mai 2016, Cour d'Appel de Lyon).

La Cour de Cassation avait dans un premier temps cassé l'arrêt de la Cour d'Appel de Montpellier, rappelé en date du 11 Mars 2014, qu'au titre de l'article 29 de la loi du 29 Juillet 1881 ainsi que de l'article 10 de la convention sur la sauvegarde des droits de l'Homme, la liberté d'expression est un droit absolu.

3) Cour d’appel de Lyon, 1ère chambre civile, arrêt du 10 mai 2016, demandeur Le Partenaire Européen c/ Lesarnaques.com et M.J. G. 

La Cour de Cassation a rappelé la nécessité d'articuler les propos diffamatoires afin de pouvoir les justifier éventuellement.

La Cour d'Appel de Lyon a pris le soin purement formel de procéder à une identification des messages . Elle a condamnée sans ambiguïté le site « LesArnaques.com » à 15.000€ de dommages et intérêts ainsi qu'à la suppression des messages sous astreinte.

Il convient de se rappeler que dans cette affaire le Tribunal de grande instance de Montpellier avait débouté le demandeur de l'intégralité de ses demandes.

Au regard des résistances des tribunaux, notamment Parisiens, d'autres solutions sont à envisager et l'espoir est permis quant à trouver un mode de régulation basé sur la présomption de responsabilité dès connaissance d'une contestation.

La demande de retirer un lien même de manière amiable devrait pouvoir entraîner une présomption de responsabilité des acteurs et notamment de « l'éditeur »1 ou administrateur du forum dès lors qu'il apprend

C'est la voie qui se dessine en Europe et notamment en Italie où les condamnations sont extrêmement sévères.

La Cour de Cassation Italienne a établi le principe que l'application pure et simple des règles de procédure concernant la diffamation de presse a été bannie, le fondement juridique utilisé par la Cour de Cassation étant l'interdiction « in malam partem » de raisonnement par analogie.

 

On peut en effet s'interroger (comme nous le faisons) sur l'application de règles établies pour un moyen de diffusion différent, la presse.

 

Ainsi en est-il de la décision du Tribunal de Bologne, du 18 Février 2010 (N°508) qui dit:

 

« Heureusement une partie de la jurisprudence a établi que dans l'hypothèse d'une diffamation au moyen d'Internet les règles prévues en matière de diffamation par le moyen de la presse ne sont pas applicables, attendu que en faisant différemment. Cela violerait le principe général de l'interprétation analogique in malam partem qui existe en matière pénale.

 

Cette interprétation a été confirmée par la Cour de cassation criminelle (16 Juin 2010, 35-511).

Ainsi il résulte du choix de moyen de la diffamation une diffamation aggravée en matière d'Internet (Cassation criminelle 1 Juillet 2008.) »

 

Au regard de ces jurisprudences déjà anciennes, qu'on vient de noter la position qui maintenant est privilégiée par la jurisprudence, de présomption de responsabilité dès lors qu'on entend publier sur le Net.

 

 

« Quant à l'attribution subjective de responsabilité à la  prévenue (présomption de responsabilité), elle est directe ; la disponibilité de l'administration du site rend la prévenue responsable de tous les contenus de celui-ci accessibles depuis la toile, aussi bien ceux insérés par elle-même, que ceux insérés par les utilisateurs... »

 

Tribunal de Varèse, 22 Février 2013 

 

 

 

 

 

Il existe aussi des moyens déjà mis en place par la Loi pour la Confiance en une Économie Numérique de 2004 qui permettent de rétablir ou d'établir l'intégrité de sa réputation à partir d'un droit de réponse élargi prévu par l'article 6-1-5

 

II/ E-Réputation = Vie privée.

 

Il est regrettable que la loi en préparation qui est déjà devant le Sénat ne se soit intéressée qu'aux faux-avis sur Internet et, cette loi a toutefois l'avantage de sanctifier la protection des droits personnels que ce soit, par la voie pénale, comme par la voie civile.

1/ Cour de cassation, Ch. Crim. arrêt du 16 Mars 2016, M. X c/ Mme.Y : (Cyber-harcèlement)

 

En l'espèce une femme avait consentie, antérieurement aux faits litigieux, à la prise de clichés d'elle même, nue et enceinte, par son compagnon d'alors qui, après leur séparation s'est empressé de diffuser les dits clichés sur Internet, sans la permission de son ex-femme.

 

La Cour d'Appel de Nîmes, confirmant la décision du tribunal correctionnel, a admis que le consentement de la partie civile à la prise des clichés ne comprenait pas, au vu de l'aspect intime de la photographie, consentement implicite à la diffusion postérieure de celle-ci.

 

La prolifération de faits analogues, communément recensés sous le terme de « revenge porn », n'étaient donc pas prévus par l'article 226-1, le consentement à la prise de vos

Maintenant le consentement pour la diffusion est requis.

 

Malgré la prolifération de faits similaires, s'apparentant au « revenge porn », ou revanche pornographique, dont l'objectif avoué est de porter atteinte à la réputation par la diffusion de clichés intimes sur Internet, la Cour de Cassation se borne à une application stricte de l'article 226-1 en vertu de l'article 111-4.

 

Il résulte de la rédaction de l'ancien article 226-1 ne réprime pas pénalement la diffusion sans accord préalable du sujet d'une photographie alors que celui-ci avait exprimé son consentement à la capture d'image.

 

La loi pour une République Numérique, qui vient d'être adoptée en première lecture au Sénat, prévoit de réformer l'article 226-2 du Code Pénal pour y inclure la notion d'absence de consentement à la publication en ligne de clichés, rendant effectif, dès lors, la pénalisation de la revanche pornographique.

 

Il s'agit en l'espèce d'un phénomène s'apparentant à une régulation du mécanisme juridique.

Une ré-actualisation des outils proposés il y a plus de 100 ans par cette loi semble donc nécessaire voire même fondamentale si notre société veut pouvoir s'adapter aux temps à venir.

 

 

 

 

 

 

2/ TGI de Paris, ordonnance de référé du 29 mars 2016, Nathalie X. et Philippe Y. c/ Emeric Z : (Cyber-harcèlement)

 

Le TGI de Paris le 29 mars 2016 a rendu une décision en matière de cyber harcèlement. En effet 34 publications mensongères furent mises en ligne suite à un désaccord entre le dirigeant d’une association de soutien aux parents et une cliente.

 

Ces publications nombreuses, diffusées largement, portaient atteinte à la réputation de la victime, cas d’école de cyber-harcèlement s’il en est.

 

Malgré les injonctions de cesser ses agissements illicites, le défendeur continua de publier à l’encontre de la victime.

 

La Cour a dès lors soulevé la solution de l’article 222-33-2-2, 4°, pénalisant les faits de harcèlement par le biais de services de communication en ligne, le dirigeant fut condamné à retirer les articles publiés sous astreinte de 100 euros par jour.

 

Cette décision illustre de manière pertinente l’application de l’article 222-33-2-2 4° du code pénal instauré par l’article 41 de la loi du 4 août pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes qui représentait alors l’unique moyen de défense dans les cas de cyber-harcèlement propres aux particuliers.

 

3/TGI de Paris, 17e chambre correctionnelle, jugement du 24 mars 2015, V. P. et F. Z. c/ A. S. et K. G : (Faux profils)

 

Dans le domaine de l’E-Réputation, les phénomènes d’usurpation d’identité en ligne, ou faux-profils se multiplient. Le TGI de Paris, le 24 mars 2015 a rendu un jugement significatif, en l’espèce, l’ex-conjointe de la victime, des suites d’une rupture difficile, s’est emparée illégalement du téléphone de celui-ci.

 

Avec complicité, celle-ci fomenta une entreprise de dénigrement en ligne, à l’aide d’un faux profil sur lequel celle-ci et son complice publièrent des photos intimes du couple parsemées de remarques désobligeantes avec pour but avoué de nuire à son aura en ligne.

 

L’infraction reprochée était l’usurpation d’identité d’un tiers sanctionnée par l’article 226-4-1 du code pénal celui dispose, en substance, que le fait d’usurper l’identité d’un tiers en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende.

 

Dès lors, c’est sur ce fondement que le tribunal a condamné l’ancienne compagne et son ami de délit d’usurpation d’identité numérique.

 

C’est une application directe de la loi du 14 mars 2011 (LOPPSI II) dont le second chapitre porte sur la lutte contre la cyber criminalité qui s’inscrit dans une démarche de pénalisation d’actes illicites par voie des nouvelles technologies.

 

Les attaques à la réputation ont l'aspect d'une casuistique, les phénomènes apparents su Internet peuvent être réunis selon différentes actions / opérations, par exemple :

 

Le but n'est pas toujours le même, celui de ternir la réputation et se venger, il existe aussi des formes relevant du parasitisme.

Ces aspects plus marquants se retrouvent dans l'apparition du phénomène des faux-profils.

 

4/ TGI de Paris, 24e chambre correctionnelle 1, jugement du 21 novembre 2014, M. C. B. et Mme A. A. c/ Mme L. A. : (Faux profil)

 

Le 21 novembre 2014, le TGI de Paris a condamné l’auteure de faits de harcèlement à une peine de 2 ans d’emprisonnement avec sursis et 3 ans de mise à l’épreuve mais également à des versements de dommages et intérêts.

 

En effet l’auteure avait harcelé son ex concubin en envoyant des emails et des SMS à caractères injurieux et calomnieux et avait créé plusieurs fausses pages aux noms de connaissances sur différents réseaux sociaux, y publiant des informations fausses et diffamatoires.

 

Ainsi elle fut condamnée pour usurpation d’identité en ligne, violence et appels téléphoniques malveillants. 

 

Cette décision est assez paradoxale car malgré le fait qu’elle ait été rendu en 2014, après la publication de l’article sur le cyber harcèlement, le tribunal s’est fondé sur un ancien article du code pénal, l’article 434-23 sanctionnant la simple usurpation d’identité.

 

Ceci traduit un manque de cohérence de la part des juridictions et il est donc nécessaire d’instaurer une règle unique punissant cette infraction.

 

 

5/Tribunal correctionnel de Metz, jugement du 3 avril 2014, M. X : (Revenge porn)

 

Une des premières condamnations pour « revenge porn » en France date du 3 avril 2014.

 

Suite à un conflit avec son ex-femme, un homme a diffusé des photos intimes de cette dernière, sans son consentement, sur internet afin de l’humilier et de se venger.

 

En raison du refus de l’auteur d’appliquer sa composition pénale, le tribunal correctionnel de Metz l’a par la suite condamné à 12 mois de prison avec sursis, avec mise à l’épreuve et obligation de travail et à verser 5000€ de dommages et intérêts à la victime au titre de son préjudice moral sur le fondement de l’article 226-1 du code pénal disposant que l’atteinte à l’intimité et à la vie privée  d’une personne et le fait d’enregistrer ou transmettre sans son consentement l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé, puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000€ d’amende.

 

 

 

Le droit est donc en recherche de régulation mais les solutions ne sont pas encore définies.

 

A quand ?

 

La France se reconnaît comme le pays de la liberté d'expression, ce qui reste encore à démontrer.

 

Il n'en reste pas moins que toute critique mal maîtrisée ou exagérée sur Internet, nous place bien loin du principe fondamental de la libre expression et des idées.

 

 

Publié le 15/06/2016